Les savoir-faire et produits vendéens au cœur du restaurant gastronomique La Chabotterie
Meilleur ouvrier de France 2015, Benjamin Patissier a pris la tête du restaurant La Chabotterie avec sa femme Audrey en juillet 2021. Convaincus par la démarche environnementale des circuits courts et désireux de mettre en valeur le savoir-faire régional, ils font appel le plus souvent possible à des artisans de Vendée. Entretien avec Benjamin Patissier , nouveau chef étoilé en 2022.
Vous êtes originaire de la région nantaise. Qu'est-ce qui vous a motivé à vous installer en Vendée ? Pourquoi La Chabotterie ?
Avec ma femme, nous travaillions depuis une dizaine d’années dans la Vallée du Rhône. Nous avions envie de monter un projet personnel en ouvrant un restaurant, à notre image, proche de la nature et du terroir. Et le confinement est arrivé. L’activité de restauration étant à l’arrêt, nous avons muri notre projet et fait le grand saut : on a déménagé dans notre région d’origine pour nous rapprocher de nos familles et façonner un établissement gastronomique qui nous ressemble.
Nos proches nous avaient parlé d’un appel d’offres autour de la reprise du restaurant La Chabotterie. Le lieu historique, l’environnement verdoyant au calme, le potentiel… tout correspondait à nos aspirations. Nous nous sommes entourés du mieux possible pour monter notre dossier, et nous avons remporté l’appel d’offres. En juillet 2021, nous avons ouvert le restaurant La Chabotterie.
Lors de vos années de formation et dans votre début de carrière, au-delà des gestes techniques, que vous ont transmis les chefs que vous avez côtoyés ?
Par leur technique et leur personnalité, chaque chef m’a apporté quelque chose de différent. J’ai puisé dans toutes ces rencontres ce que j’estimais être le meilleur de chacun d’eux et je le mets en application aujourd’hui. J’ai, par exemple, travaillé avec Pierre Gagnaire qui était très paternaliste et aussi très créateur. J’ai collaboré avec Patrick Henriroux qui était un chef d’entreprise de talent qui m’a appris à être un bon gestionnaire mais aussi à appréhender le restaurant dans sa globalité. J’ai aussi collaboré avec Christian Née, chef de cuisine et grand technicien. J’ai essayé de m’inspirer de lui, avec une approche humble et simple de la cuisine. Tous les jours, avec la brigade, quand on fait des préparations, je me demande comment chacun de ces chefs aurait fait, etc.
Comment définissez-vous la cuisine que vous proposez aujourd'hui ?
Avec ma cuisine, j’ai juste envie que les gens passent un bon moment au restaurant, qu’ils reconnaissent les produits et apprécient leur goût. J’ai envie de leur donner l’opportunité de manger quelque chose qu’ils ne mangeraient pas chez eux sans association de saveurs venues d’ailleurs. L’idée est de susciter une interrogation sur le mariage de produits. La qualité et le goût sont l’ADN des plats que je souhaite proposer à partir de produits régionaux.
Lorsque nous avons monté la brigade, nous avons été soucieux de recruter des profils qui respectent aussi bien les produits que les collègues. Rigueur, bienveillance, proximité et simplicité sont des qualités essentielles pour travailler ensemble des produits de Vendée et des environs.
Vous prônez un ancrage fort dans le paysage local. Quelle est la place des produits du terroir dans votre cuisine ?
Par notre implantation en Vendée, nous avons la chance d’avoir la mer à proximité, des productions maraîchères à quelques kilomètres, des exploitations bovines ou caprines dans le secteur. Notre force est aussi d’avoir un parc de 42 hectares avec des herbes et des fleurs qui viennent sublimer nos préparations. La sensibilisation à la nature de chaque membre de l’équipe fait partie de ce que l’on souhaite transmettre.
Nous avons tout ce qu’il faut pour proposer une cuisine variée, par forcément fixée sur un type de produit, comme cela peut être le cas en bord de mer avec une carte avec 100 % de poissons, par exemple. Ici, on a la possibilité de faire un peu de tout !
Comment choisissez-vous vos fournisseurs et producteurs ?
Nous essayons de choisir nos fournisseurs à proximité par souci de logistique mais aussi par souci de cohérence avec ce que l’on prône au quotidien. Les relations humaines sont aussi très importantes. Il nous importe de pouvoir échanger facilement, en proximité, avec des producteurs plutôt qu’avec une plateforme logistique anonyme et éloignée de nous.
Nous sélectionnons les producteurs par le bouche à oreille, à la suite de rencontres. Par exemple, pour les fromages de brebis, on a pris différents contacts, testé des échantillons. On goûte, on imagine comment valoriser le produit selon sa forme, sa texture, son goût, sa couleur… Notre cuisine est toujours en mouvement !
Je suis en recherche permanente de produits de qualité qui peuvent intégrer mes plats. J’aime notamment cuisiner les agrumes, les champignons sauvages, mais je n’ai pas encore trouvé de producteurs en Vendée.
La contrainte forte demeure actuellement la logistique : la question est de savoir comment ils peuvent nous livrer, dans de faibles volumes souvent, alors que le prix du carburant augmente.
Avez-vous un produit que vous aimez particulièrement travailler ?
Dans la cuisine, on a la possibilité de tout faire. Quand on travaille un légume, un poisson, on ne l’aborde pas de la même façon. On respecte chacun des produits selon ce qu’il est. J’essaie de faire des menus avec un fil conducteur, une cohérence : ne pas avoir que des jus sur tous les plats, rechercher une alternance de saveurs.
Cuisiner un produit parce que c’est « tendance » ne m’intéresse pas. Je préfère des produits de saison, locaux et de qualité. Pour cuisiner, j’attends que ce soit le bon moment pour le produit. J’en discute avec les producteurs partenaires. Par exemple, l’an passé, j’ai pu cuisiner de la framboise jusqu’à fin septembre grâce à l’approvisionnement auprès d’un petit producteur du coin qui avaient des framboisiers qui donnaient des fruits tard dans la saison.
Pouvez-vous évoquer quelques-uns de ces producteurs de Vendée avec qui vous travaillez régulièrement ?
Ce sont les produits et leur saisonnalité qui vont nous guider dans l’achat et l’élaboration des menus. Avec la grippe aviaire, la filière de production de foie gras est mise à mal. Par conséquent, nous le retirons de la carte pour ce printemps 2022. A l’inverse, on a un producteur qui élève des truites en aquaponie, ce qui nous donne l’opportunité de mettre ce poisson à l’honneur.
Pour les fromages, comme pour les légumes, les fruits ou les produits issus d’élevage, ce sont les cycles de vie qui rythment nos choix. Les encornets, ce sera plutôt à l’automne alors que les fruits rouges arrivent avec les beaux jours au printemps.
Côté producteurs, je peux évoquer avec vous par exemple l’huile de colza et de tournesol de la ferme d’Ursule (à Chantonnay) dont la qualité est exceptionnelle. Ou les poissons de la Criée des Sables d’Olonne, les fromages de brebis frais de la ferme Gustin, les escargots de la Maison Royer, etc.
Pour les arts de la table, la décoration ou encore le parc de la Chabotterie, vous avez également choisi des artisans locaux. Pouvez-vous nous parler de ces collaborations ?
Dans le même esprit que pour la cuisine, nous voulions que le restaurant de La Chabotterie soit aussi l’expression des savoir-faire locaux. Avec ma femme, nous avons choisi un décorateur et un menuisier de la Roche-sur-Yon. Tous nos présentoirs ont été créés par un ébéniste de Nesmy. Nous avons aussi fait appel à une céramiste de Mouchamps ou encore un paysagiste de Belleville. Nous avons aussi des centres de table en porcelaine à base de coquilles d’huitres d’une entreprise située à Poiré-sur-Vie et des couteaux façonnés par un coutelier forgeron à la Gaubretière, etc. De la cuisine au service en salle, nous souhaitons garder cette ligne de conduite de mettre en avant les savoir-faire locaux.
Propos recueillis par Sandrine Damie – Mai 2022.